Épisode 1

Un triste anniversaire

Durée de lecture estimée : 13 minutes
Auteure : Cindy Balavoine

Il est trois heures du matin, il fait nuit noire dehors et pourtant, une lumière éclaire mon visage en pleurs. Des larmes ruissellent sur mes joues, incontrôlables. Mon cœur est brisé en mille morceaux et rien ne me motive à le recoller. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Je suis assise sur mon lit, les yeux rivés sur mon téléphone. Laurie me manque terriblement.

Aujourd’hui, cela fait un an jour pour jour que ma sœur a disparu lors d’un voyage en Grèce. Que s’est-il passé ? Personne ne le sait, et cette incertitude me ronge. Depuis cette journée fatidique, je passe mes nuits à parcourir son Instagram, caressant la dernière photo qu’elle a postée le jour de sa disparition. Elle partait en randonnée dans la région de Thessalonique. Elle n’est jamais revenue. Les autorités ont fouillé chaque centimètre carré sans aucune trace d’elle. Mon père et moi avons vécu des mois d’incertitude et de remords. Ce sentiment d’impuissance est douloureux, culpabilisant. Est-elle toujours en vie ? Reverrais-je un jour son sourire, sa joie de vivre ?

Chaque jour, c’est la même scène qui se répète. Je scrute cette dernière photo de Laurie, cherchant des indices dans son sourire, dans le paysage derrière elle, dans la lumière du jour qui éclaire son visage. Rien. Juste une image figée dans le temps, une sœur disparue sans laisser de trace. Je revis les appels frénétiques aux autorités, l’espoir qui s’amenuise jour après jour, et cette culpabilité insupportable qui me ronge.

Les clients de La Cantine de Clochemerle, un petit restaurant dans la charmante ville de Saint-Aulaye-Puymangou, où je suis serveuse, trouvent que je me suis éteinte. Ils ne le disent pas toujours à haute voix, mais je peux le lire dans leurs yeux et dans leurs murmures. Les commérages vont bon train : « Pauvre petite Delacroix… plus aucune figure féminine à qui se référer ! » ou « Elle a de sacrées baloches sous les yeux, la gamine ! Va falloir qu’elle se fasse une raison… ». Ils compatissent, mais ne sont pas toujours délicats. Parfois, je fais la sourde oreille, et d’autres fois, je m’assure qu’ils se souviennent de moi. J’ai de la chance que Pierrick, mon patron, soit un ami de longue date de mon père et que le personnel ne se trouve plus facilement. Il apprécie moyennement mes ronchonneries du quotidien et encore moins mes petites piques douteuses qui ont pour unique objectif de me venger : « Du fromage, Madame Valoir ? Vous êtes sûre ? Ce n’est pas très bon pour vos hanches déjà bien développées ! ».

Paraît-il que madame Valoir pardonne mon indélicatesse pour cette fois. Pfff, et la sienne d’indélicatesse ? Qui lui pardonne ? Certainement pas moi…

Chaque journée passée à La Cantine de Clochemerle est une épreuve. Les clients sont pour la plupart des habitués, et ils ont tous connu Laurie. Elle était la plus sociable de nous deux, toujours prête à engager la conversation, à faire rire. Moi, je suis plus du genre à rester dans l’ombre, à observer. Depuis sa disparition, cet équilibre a été brisé, et je me sens comme un navire sans gouvernail.

Ma sœur me manque tellement. Elle était mon bouclier, ma lumière. Sans elle, j’avance à l’aveugle dans un monde que je n’ai jamais bien compris. Je lis et relis son dernier message, envoyé la veille de sa disparition. Il est énigmatique : “Ton tour viendra, je t’aime.” Avait-elle trop bu ? Était-elle partie avec un inconnu ? J’ai élaboré des millions d’hypothèses, aucune ne fait sens.

Laurie avait soigneusement préparé son voyage et elle était partie seule, comme elle le faisait très souvent ! Je me souviens avoir voulu m’inviter plus d’une fois en me faisant envoyer balader. Elle aimait sa solitude, ces moments où elle se prouvait qu’elle pouvait tout accomplir seule. Pourtant, si j’avais été là, peut-être ne serions-nous pas dans cette impasse. Ma sœur était plutôt du genre guerrière, prête à se lancer le défi de grimper l’Everest, alors que moi, je suis plutôt Netflix et paquet de chips. C’était une aventurière, une passionnée, elle tenait ça de notre mère. Maman est décédée alors que j’avais huit ans. Elle aussi aimait partir seule. Elle est morte dans un accident de la route lors d’un pèlerinage en Inde. Laurie avait quinze ans et a vite pris le relais. Aujourd’hui, sans elle, je me sens comme un bateau à la dérive, sans cap et sans boussole, attendant de sombrer pour enfin mettre un terme à cette errance.

Les larmes me montent de nouveau aux yeux. Je ne suis pas une grande pleureuse, mais ces derniers mois, je ne peux pas m’en empêcher. Une autre notification éclaire mon téléphone. Je laisse couler quelques larmes de crocodile puis essuie mes yeux pour tenter d’y voir plus clair et lire le message de Dorian, mon collègue. Comme une idiote, j’ai accepté de prendre son poste aujourd’hui pour éviter de rester seule à pleurnicher. À contre-cœur, je me lève, un poids immense dans la poitrine. Je me prépare rapidement, avec toute la grâce d’un éléphant dans un magasin de porcelaine. J’attache maladroitement mes cheveux en un chignon au sommet de ma tête. J’enfile un t-shirt noir et mon chino assorti. Je décide de prendre l’air avant mon service de 11h, histoire de sécher ces larmes et de ne pas me morfondre davantage. Je décide de sortir boire un café en terrasse. Le Café des Bavards ouvre tôt, je vais tenter de me vider la tête.

J’attrape mon sac et me dirige vers la sortie d’un pas décidé. Pourtant, en ouvrant la porte de mon appartement, je reste littéralement figée. Un petit paquet est soigneusement posé sur le pas de la porte avec une enveloppe portant mon prénom : Léna. Je regarde autour de moi, mais personne n’est en vue. Le paquet ne possède aucune étiquette, il est évident que quelqu’un l’a déposé en personne. Un livreur l’aurait laissé dans la boîte aux lettres ou aurait sonné. Mon cœur bat intensément. Je déglutis difficilement. Est-ce un colis piégé ? Je me gifle mentalement. Quelle idiote ! Tu te prends pour un agent du gouvernement en danger ?! Non, tu es Léna, serveuse, sans grand intérêt public ! Je dois avoir vingt abonnés Instagram et j’ai perdu mes identifiants Facebook ! Non, vraiment, le risque d’attentat est limité. Je regarde de nouveau autour de moi. Il n’y a pas âme qui vive.

Je me baisse pour ramasser le petit paquet et l’enveloppe, le cœur battant fort. Je referme la porte et m’installe sur le canapé, un vieux Chesterfield en cuir marron que j’ai récupéré de La Cantine de Clochemerle lorsqu’ils ont changé le mobilier. Ils allaient jeter cette merveille. Il est un peu usé, mais avec quelques coussins, il a retrouvé une seconde vie bien active dans mon appartement. Je croise les jambes en tailleur et analyse l’enveloppe sous toutes ses coutures. C’est une simple enveloppe blanche. Mon prénom a été inscrit à l’encre noire, rien de bien excitant. L’écriture est simple mais soignée.

Je décolle délicatement la languette et sors une petite carte blanche sur laquelle est écrit : “Léna, je sais ce que tu as vécu, je sais ce que tu ressens mais il y a de l’espoir. J’ai besoin de ton aide. Rejoins-moi au 22 impasse des Brumes à minuit, ce soir. Mets le paquet en sécurité. C’est primordial. Ne l’ouvre surtout pas ! Je t’expliquerai.” La lettre est signée A.J.

Le message est étrange. Une boule se forme dans mon estomac. Parle-t-il de ma sœur ? Évidemment, de qui d’autre pourrait-il parler ! Surtout aujourd’hui. Mon regard se pose immédiatement sur ce paquet qui m’est adressé, que je dois cacher et ne surtout pas ouvrir. Depuis que je suis gamine, un moyen simple de me faire faire quelque chose est de me dire de ne pas le faire. Je suis tiraillée. Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

Je ferme les yeux, creuse dans les fins fonds de ma mémoire. Je ne connais pas de A.J. Ça ne me dit rien. Je passe en revue mon répertoire téléphonique sans succès. Je ne vais tout de même pas rejoindre un inconnu en pleine nuit ? Ensuite, je fouille l’Instagram de ma sœur à la recherche d’un indice dans ses abonnés. Rien. Mais si ce A.J. sait quelque chose sur la disparition de ma sœur ? Mon esprit est torturé. Serait-ce raisonnable ? Certainement pas.

Mon attention se porte de nouveau sur ce maudit colis. Je sens l’énervement s’emparer de moi. Je suis plutôt impulsive et m’interdire quelque chose n’est pas dans mes codes. Je relis le mot, je regarde le paquet. Je relis le mot, je regarde le paquet. Cette scène est interminable, à l’image de mon indécision. Que contient-il ? Pourquoi ne devrais-je pas l’ouvrir ? Mon cœur s’emballe… et j’imagine alors le pire. Est-ce une partie du corps de ma sœur ? Est-ce que je vais y trouver un doigt ? Oh mon dieu, j’ai envie de vomir. S’il y a bien une guerrière dans la famille, ce n’est pas moi ! J’ai vraiment l’impression d’être mise à l’épreuve. Moi, je suis la chouineuse de la famille, la flemmarde, qui ne cherche pas à faire carrière, qui n’a aucune implication dans une cause quelconque, qui n’a pas d’opinion, pas de mec, peu d’amis, qui ne se soucie pas des autres… Je me retrouve seule, sans mon roc, et je dois affronter cette épreuve seule.

Sur un coup de tête, sans réfléchir une seule seconde aux conséquences potentielles, je prends le colis et le secoue. Quelque chose bouge à l’intérieur. Mon cœur bat de plus en plus fort. Je prends une grande inspiration, les mains tremblantes, et décide de l’ouvrir. Mes doigts déchirent le papier avec une hâte mêlée de peur.

Il faut que je sache. On ne peut pas m’envoyer un colis et me demander de ne pas l’ouvrir. Surtout s’il a un lien quelconque avec ma sœur. J’ouvre les deux derniers battants du carton et me fige en regardant ce qu’il contient. Quelque chose est posé au fond. Je ne sais pas exactement de quoi il s’agit : un bijou ? C’est un peu gros pour être porté autour du cou. Une amulette ? Un talisman ? Une grosse médaille ? C’est beau, c’est hypnotisant, c’est envoûtant. L’objet est magnifique, je n’ai jamais vu quelque chose de semblable. Grand, rond, il semble être forgé dans un vieux métal. Il doit bien mesurer huit à dix centimètres. Il est orné de gravures complexes et incompréhensibles. En son centre, ce qui s’apparente à un œil bleu semble incrusté. J’ai l’impression de m’y perdre quelques instants. Je secoue la tête. Que dois-je faire ?

Je mordille ma lèvre supérieure, puis inférieure. Sans réfléchir, je plonge la main dans la boîte et empoigne cette beauté. Une brise étrange traverse alors la pièce, me laissant au dépourvu. « J’ai fait une connerie ! » Une sensation électrique parcourt chaque parcelle de mon corps au contact du métal froid, comme si quelque chose venait d’y pénétrer. J’ai peur. Je rejette rapidement l’objet dans le paquet. Qu’ai-je fait ? Et, qu’est-ce que c’est que ce truc ? Mon cœur bat fort, trop fort. Je referme rapidement le colis et le pose sur la table. Il faut que je m’en éloigne. La nausée me reprend. Je ne sais pas ce que je suis censée faire. Laurie saurait, elle sait toujours. Quel rapport a cet objet avec la disparition de ma sœur ? Je devrais peut-être le porter à la police ? Ils seront bien plus compétents que moi. Ils n’ont pas encore classé l’enquête, peut-être que ça peut les aider à trouver ma sœur. Ils pourraient se rendre au rendez-vous ? Mais pourquoi ce A.J. ne fait-il pas appel à la police s’il a des informations ? S’agit-il bien de ma sœur ou je me fais simplement des idées ? Je ne sais plus quoi penser. Il serait plus sage que j’en parle aux autorités pourtant, quelque chose m’en empêche. J’en suis convaincue, il faut d’abord que je rencontre ce A.J.

Le temps semble s’être accéléré. Un regard à mon poignet m’indique que je prends mon service dans trente minutes. Je n’ai plus le temps. Je prends le colis, me rends dans ma chambre et pousse mon lit. Je soulève une lame de parquet. Ah, cette lame… Elle n’a jamais tenu en place depuis que j’ai emménagé ici. Je me souviens encore du jour où je l’ai découverte en trébuchant dessus avec une tasse de café à la main. Résultat ? Une brûlure sur la jambe et un sol collant de café. Depuis, cette lame est mon petit secret, ma cachette de fortune.

Je glisse le paquet sous la lame, le recouvre soigneusement, et remets mon lit en place. C’est décidé, ce soir, je me rends à l’adresse indiquée. Mon esprit est en ébullition, rempli de questions sans réponses. Qui est ce A.J. ? Que sait-il sur la disparition de ma sœur ? Et surtout, quel rôle joue cette mystérieuse amulette ?

À suivre…

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