Durée de lecture estimée : 17 minutes
Auteure : Cindy Balavoine
AJ se lève doucement de sa chaise, ses mouvements lents et mesurés trahissant une tension palpable. Je ne peux m’empêcher de fixer nerveusement l’encadrement de la porte d’où reviendra peut-être le Grec. AJ se positionne face à moi, son regard pénétrant cherchant à capter le mien. Ses yeux sont sombres, empreints d’une détermination qui ne laisse aucun doute sur la gravité de la situation. Il se retourne, scrutant les alentours. Nous sommes seuls.
— Écoute-moi bien, Léna, murmure-t-il avec une intensité contenue. Ne fais surtout pas de bruit. Si jamais il arrive quoi que ce soit, tu te baisses, les mains sur la tête et tu fermes les yeux. Tu as compris ?
Je le fixe, partagée entre l’envie de rire nerveusement et celle de fondre en larmes. La situation est angoissante, presque irréelle. J’ai tellement peur. Que vont-ils nous faire s’ils nous attrapent en train de fuir ? Qui sont ces gens ? Et puis, pourquoi AJ reste-t-il si flou ? Il doit connaître la vérité sur ce qui se passe, j’en suis certaine, mais il me laisse dans l’ignorance. Et si c’était lui le danger ? Une vague de frustration et de terreur me submerge.
— Tu as compris ? répète-t-il, son ton impérieux me tirant de mes pensées.
Je hoche la tête, incapable de parler, ma gorge serrée par l’angoisse. Je préfère tout de même cette option. Les Grecs me paraissent bien plus méchants et je tiens vraiment à conserver mes ongles ! Il hoche la tête en retour, signe qu’il me demande de me lever. Mes jambes sont engourdies, tremblantes, mais je me lève, suivant son mouvement. Quelle chiffe molle ! AJ avance lentement, ses pas calculés, je le suis toute tremblante. Nous nous dirigeons vers un couloir sombre à l’opposé de celui vers lequel est parti le Grec quelques minutes plus tôt. L’air est froid, humide, et chaque ombre semble cacher une menace.
On avance à pas de chat, essayant de rester le plus silencieux possible. Mon cœur bat à tout rompre, l’adrénaline coule dans mes veines. Chaque bruit, chaque mouvement me fait sursauter. Je ne suis pas faite pour l’aventure et le danger. Je veux juste une tasse de thé et noyer mon cerveau dans une série interminable qui me fait oublier ma vie minable. Je sens mon esprit divaguer malgré le danger imminent, certainement une protection involontaire de mon esprit.
Je ne sais pour quelle raison, les initiales d’AJ me trottent dans la tête : Alexandre Joseph ? Non, ça ne va pas vraiment ensemble. Anne Joseph ? Arthur Joseph ? Alexis Junior ? Ah, peut-être, c’est moderne, un peu Américain… Mon cerveau semble chercher n’importe quel moyen pour ralentir mon cœur affolé alors que nous nous faufilons silencieusement, nos pas étouffés par les voix lointaines de nos ravisseurs.
La lumière vacillante des néons au plafond projette des ombres inquiétantes sur les murs décrépits. L’odeur de moisissure et de renfermé m’oppresse, s’ajoutant à mon sentiment de claustrophobie. Le couloir semble interminable, chaque porte fermée pourrait cacher une nouvelle menace. AJ avance avec assurance, comme s’il connaissait chaque recoin de ce labyrinthe. Moi, je lutte contre la panique qui monte en moi, essayant de me concentrer sur sa silhouette devant moi, sur les bruits autour de nous.
Soudain, AJ s’arrête brusquement. Il se retourne et me fixe avec une intensité alarmante. Avant que je ne puisse réagir, il me plaque violemment contre le mur. Une main ferme sur ma bouche, son corps pressé contre le mien. Mon cœur explose dans ma poitrine. Je ferme les yeux, comprenant qu’il vient d’apercevoir quelqu’un et peut-être de nous sauver la vie. Le souffle chaud d’AJ caresse mon oreille tandis que des pas résonnent tout près, puis s’éloignent.
Je reste immobile, chaque fibre de mon être tendue par la peur. AJ garde sa main sur ma bouche, m’empêchant de faire le moindre son. Les secondes s’étirent en une éternité. Les pas s’éloignent finalement, et AJ relâche doucement sa prise, mais il garde son regard fixé sur moi, m’ordonnant silencieusement de rester calme.
Nous reprenons notre avancée, prudemment, essayant de rester le plus silencieux possible. Soudain, un bruit de pas résonne plus fort, venant d’un couloir adjacent. AJ se retourne brusquement, me tirant vers une petite alcôve. Il m’attrape par les épaules, ses yeux plongeant dans les miens.
— Ne bouge pas, ne fais aucun bruit, chuchote-t-il avec une intensité qui me donne des frissons.
Je hoche la tête, incapable de prononcer un mot. AJ se met en position, prêt à intervenir si nécessaire. Les pas se rapprochent, résonnant de plus en plus fort. Mon cœur bat à tout rompre, la sueur perle sur mon front. Les voix des ravisseurs se font entendre, mais ils ne semblent pas nous avoir repérés. Les pas passent devant notre cachette sans s’arrêter.
Une fois le danger passé, les yeux d’AJ croisent les miens, et il me fait un léger signe de tête, un encouragement silencieux. Il tend la main vers moi, et malgré la peur qui me noue l’estomac, je la prends. Sa main est chaude, réconfortante, un contraste frappant avec la froideur des lieux et de la situation. Ses doigts fermes entourent les miens avec assurance. J’ai l’impression de lui broyer les doigts à cause de ma peur, mais il ne bronche pas, ne laisse rien transparaître de la douleur que je pourrais lui causer.
Mon cœur bat toujours aussi fort, mais je me force à me calmer en me concentrant sur la chaleur de sa main. Nous reprenons notre fuite, avançant à pas de loup dans le dédale de couloirs sombres. AJ marche devant moi, sa silhouette se découpant à peine dans l’obscurité. Je peux entendre nos respirations, le souffle court de la peur.
Je tente de comprendre où nous pourrions être. Peut-être un ancien entrepôt ? Une usine désaffectée ? Ou un sous-sol d’un bâtiment industriel ? L’architecture délabrée et les odeurs nauséabondes me donnent l’impression que cet endroit n’a pas vu la lumière du jour depuis des décennies. Des portes en métal rouillé parsèment les couloirs, certaines entrebâillées, d’autres fermées à clé, chacune représentant une potentielle menace ou une issue de secours.
Les voix de nos ravisseurs s’éloignent, mais je reste sur le qui-vive, chaque bruit, chaque ombre me faisant sursauter. AJ avance toujours avec détermination. Sa confiance me donne un peu de courage, même si je me sens toujours aussi perdue.
— Par ici, murmure-t-il soudainement, sa voix basse mais autoritaire.
Il m’entraîne doucement mais fermement vers ce qui semble être une sortie de secours. La lueur vacillante des néons accentue les ombres, créant une atmosphère encore plus inquiétante.
Alors que nous nous apprêtons à franchir la porte, des cris retentissent derrière nous. Ils ont découvert notre évasion. Le bruit de leur colère résonne dans les couloirs, un mélange de vociférations et de pas précipités qui s’amplifient.
— Cours ! ordonne AJ en poussant la porte avec force.
Nous nous retrouvons dans une ruelle sombre. L’air frais de la nuit me frappe le visage, contrastant vivement avec l’air vicié du bâtiment que nous venons de quitter. Mon cœur bat à tout rompre, mais je n’ai pas le temps de savourer cette liberté retrouvée. AJ m’entraîne immédiatement dans une course effrénée à travers les ruelles étroites de la ville. Le bruit de nos pas résonne sur le pavé, rapide et désordonné.
La ruelle est étroite et sinueuse, bordée de vieux bâtiments aux façades décrépites. Les lampadaires vacillants projettent des ombres sur les murs, rendant l’atmosphère encore plus oppressante. Mon souffle est court, chaque inspiration brûle mes poumons. Les bâtiments autour de nous semblent se refermer, leurs murs se rapprochant comme pour nous piéger. Le sol est jonché de détritus, rendant notre progression encore plus difficile.
Je trébuche sur une poubelle renversée, mais AJ me rattrape, ses doigts se resserrant sur les miens avec une détermination féroce.
— Tiens bon, Léna, m’encourage-t-il. On y est presque.
On y est presque. Ses mots résonnent comme le néant… Je ne sais même pas où nous sommes, comment peut-il dire qu’on y est presque ? Les cris de nos poursuivants résonnent toujours derrière nous, se rapprochant dangereusement. Mon cœur bat à tout rompre, et l’adrénaline me donne des ailes. Chaque coin de rue que nous franchissons semble nous emmener plus loin dans ce labyrinthe urbain.
Les enseignes lumineuses des boutiques fermées clignotent au loin, offrant un contraste étrange avec l’obscurité de la nuit. Nous passons devant des portes en fer rouillé, des fenêtres brisées, des graffitis colorés qui semblent prendre vie sous la lumière vacillante des réverbères.
AJ jette des coups d’œil rapides derrière lui, évaluant notre avance sur nos poursuivants. Je sens la tension dans son corps, une urgence palpable qui me pousse à aller plus vite malgré la fatigue qui commence à alourdir mes jambes. L’air est frais, presque mordant, mais il est imprégné d’une odeur de moisissure et de déchets, rappelant la réalité de notre situation désespérée.
Soudain, AJ bifurque brusquement dans une autre ruelle, encore plus étroite et sombre. Nous sommes maintenant plongés dans une semi-obscurité, seuls les faibles reflets des lampadaires éloignés nous permettant de voir où nous mettons les pieds. Le bruit de nos pas résonne plus fort dans cet espace confiné, créant une cacophonie avec les cris de nos poursuivants qui se rapprochent.
L’air semble encore plus froid ici, glissant sur ma peau en sueur comme des aiguilles de glace.
Mon esprit tourbillonne, mais je me concentre sur la main d’AJ, sur la chaleur rassurante de sa poigne, sur l’espoir fragile de nous en sortir indemnes.
C’est alors qu’un miracle se produit enfin. Au détour d’une rue, un taxi surgit comme une apparition salvatrice. AJ se jette presque sur le véhicule, agitant frénétiquement les bras. Le taxi s’arrête in extremis, les pneus crissant sur le bitume pour éviter de l’écraser.
— Monte ! crie AJ en me poussant à l’intérieur avec une urgence palpable avant de s’engouffrer à son tour.
Nous nous retrouvons à l’arrière, haletants, nos respirations se mêlant dans l’espace confiné. Le chauffeur, un homme d’âge moyen aux yeux écarquillés par la peur, nous regarde avec une incrédulité mêlée de terreur.
— Roulez ! hurle AJ, sa voix autoritaire ne laissant aucune place à la discussion.
La voiture démarre en trombe, les pneus crissant une nouvelle fois sur l’asphalte. Nos poursuivants débouchent dans la rue juste à temps pour voir le taxi s’éloigner à toute vitesse. Je me retourne pour les voir devenir de plus en plus petits dans le rétroviseur, leurs silhouettes se fondant dans l’obscurité de la nuit.
Enfin en sécurité relative, je me tourne vers AJ, essoufflée, mon cœur battant toujours à tout rompre. Mes cheveux sont en désordre, collés à mon visage par la sueur, et je sens une douleur sourde dans mes muscles épuisés.
— Qu’est-ce que c’était que ça ? demandé-je, la voix tremblante d’émotion et de fatigue. Qui sont ces gens ? Et qui est Akaris ?
AJ me regarde gravement, son visage durci par une détermination féroce. Ses yeux noirs, perçants, reflètent une profondeur de secrets et de douleurs non dites.
— C’est une longue histoire, Léna, répond-il, sa voix calme contrastant avec la tempête d’émotions en moi. Mais d’abord, on doit récupérer l’amulette. J’espère vraiment qu’elle est toujours sous ton lit.
Je hoche la tête, encore sous le choc, réalisant que ma vie ne sera plus jamais la même. Mon esprit est embrouillé, rempli de questions sans réponses, et une angoisse sourde ne cesse de me tordre l’estomac. J’ai envie d’hurler, de pleurer, d’éventrer le siège devant moi mais je reste de marbre.
Nous étions apparemment détenus au sud de la ville, dans la zone de fret. Les entrepôts délabrés et les containers rouillés dessinent une toile de fond sinistre. AJ échange quelques mots rapides avec le chauffeur, lui donnant des instructions précises. Le chauffeur, visiblement inquiet, suit les indications à la lettre.
La voiture file à toute vitesse à travers les rues désertes de la ville. Chaque seconde me semble une éternité, chaque virage une nouvelle montée d’adrénaline. Je ne peux m’empêcher de jeter des coups d’œil anxieux par la fenêtre, redoutant de voir nos poursuivants surgir de nulle part.
Finalement, nous arrivons devant mon immeuble. AJ et moi descendons du taxi au pas de course. Mon cœur bat à tout rompre, mes jambes tremblent. Nous nous précipitons vers l’entrée de mon immeuble. Ma porte a été fracturée, les éclats de bois éparpillés sur le sol témoignent de la violence de l’effraction.
À l’intérieur, tout est saccagé. Mes affaires sont éparpillées partout, des objets brisés jonchent le sol. Une boule de rage et de tristesse se forme dans ma gorge en voyant l’état de mon chez-moi. J’ai forcément fait un truc horrible à l’univers pour retrouver mon appartement dans un tel état.
— Ils cherchent Akaris, me dit AJ, son regard scrutant chaque recoin de l’appartement avec une intensité fébrile.
Je fronce les sourcils, toujours aussi perdue, mais consciente de l’urgence de la situation.
— Où est ta chambre ? me demande AJ, pressant.
— Par ici, je réponds, la voix tremblante, en le guidant à travers le chaos de mon appartement.
Mon cœur se serre en voyant l’état de ma chambre. Mon lit a été retourné, le matelas éventré, les tiroirs de ma commode arrachés. La pièce entière ressemble à un champ de bataille. AJ se précipite vers l’endroit où se trouvait le lit et commence à soulever frénétiquement les lattes du plancher, cherchant désespérément.
— Non, non, non, murmure-t-il, de plus en plus paniqué, ses gestes devenant de plus en plus désordonnés.
Je reste figée, incapable de bouger, regardant AJ retourner chaque centimètre carré de ma chambre avec une frénésie croissante. Les lattes du plancher volent dans tous les sens, révélant l’isolation poussiéreuse en dessous. L’air est chargé de tension, de poussière et de désespoir.
— Elle n’est plus là, dit-il finalement, d’une voix brisée. Akaris a disparu.
Mon cœur rate un battement. La panique monte en moi, m’envahit comme une marée noire.
— Bon, ça suffit, j’en ai marre des énigmes ! Qu’est-ce que c’est, Akaris ? je perds littéralement mon sang-froid. Pourquoi est-ce si important ? demandé-je, la voix étranglée par l’émotion et la rage palpable qui tente de prendre le contrôle de mon esprit.
— Akaris est l’amulette que je t’ai envoyée, Léna, répond-t-il calmement.
Ok, l’amulette a un nom, pourquoi pas ? Ça ne me dit toujours pas pourquoi tout le monde est à sa recherche et maintenant, elle a disparu.
Pourtant, quelque chose me dit qu’elle est toujours là, comme si je pouvais sentir sa présence. Je m’approche d’AJ et m’accroupis à ses côtés. Il semble démuni, son regard fixant le vide avec une détresse palpable. Nous devons faire vite, nos ravisseurs risquent d’arriver d’une minute à l’autre.
Je me penche, scrutant le plancher avec une intensité nouvelle. Et là, je la vois. Pourquoi ne la voit-il pas ? Elle semble presque briller, une lueur subtile dans l’obscurité de la pièce. Elle n’est plus dans son carton qui a lui bel et bien disparu. Elle est juste posée là, sur la laine d’isolation qui se trouve dans le plancher. L’amulette qui semble me regarder de son œil bleu profond.
— AJ, elle est là, dis-je, complètement perplexe face à cette scène surréaliste.
— Quoi ? répond-t-il en se redressant et en se mettant à quatre pattes pour tenter d’y voir quelque chose.
— Je ne vois rien, répond-t-il, la confusion se mêlant à l’inquiétude dans son regard.
Il me regarde, les sourcils froncés, réalisant que quelque chose d’étrange se passe.
— Elle se protège, dit-il finalement en se rasseyant, une note de résignation dans la voix.
— Elle se protège ? répété-je, cherchant désespérément à comprendre ce qui est en train de se passer.
— Je n’ai pas le temps de t’expliquer, il faut qu’on s’en aille. Ils ne l’ont pas vue… Ils ont trouvé le carton caché mais Akaris semble être restée chez toi et s’est mise en protection. Il faut que tu la prennes, mais prends-la avec un linge, je ne sais pas ce qu’elle peut produire sur toi.
— J’en ai marre de tous ces mystères, AJ, dis-je en ramassant un linge sur le sol et en saisissant l’amulette que j’enroule délicatement. Ça commence à faire beaucoup d’explications et je te conseille de commencer si tu ne veux pas que je te casse la tête.
Il me regarde les yeux écarquillés. Je suis en colère mais en même temps je me sens fière de lui faire peur.
— Ok, mais allons-y, me dit-il, avant qu’ils ne nous trouvent. Aurais-tu un endroit où on pourrait se réfugier ? me demande-t-il.
Je suis surprise qu’il n’ait pas lui-même un endroit où aller. Je réfléchis rapidement :
— La cabane de notre grand-mère, près du lac de Malric, dis-je finalement. Lorsque j’étais plus jeune, Laurie me disait toujours que si un jour je devais me cacher, il fallait que j’y aille. Il y a des choses qui me reviennent en mémoire depuis hier et ça en fait partie, entre autres choses…
J’attrape mes clés de voiture et nous prenons la direction du chalet Delacroix. Alors que nous sortons précipitamment de mon appartement, je repense aux histoires de mon père. Ma sœur et moi portions le nom de ma mère : Delacroix. Papa m’a toujours raconté que c’était primordial pour maman que nous portions son nom et qu’il n’avait jamais compris son obstination. Mais papa aimait tellement maman, qu’il ne s’y est jamais opposé. Je commence à me dire que ça avait certainement une importance. Maman portait elle-même le nom de sa mère.
Nous nous glissons silencieusement dans les escaliers, évitant les endroits où nos ravisseurs pourraient nous croiser. Chaque bruit nous fait sursauter, chaque ombre nous fait hésiter. Enfin, nous atteignons ma voiture. AJ monte côté passager, surveillant nos arrières tandis que je démarre en trombe.
Le trajet jusqu’au chalet est rempli de silence tendu. AJ garde les yeux fixés sur la route, prêt à réagir à la moindre menace. De mon côté, je repense à la cabane de grand-mère, un lieu qui était autrefois synonyme de vacances et de bonheur, mais qui semble maintenant être notre seul refuge. J’aurais pu lui demander de débuter ses explications mais j’étais concentrée sur la route, j’avais peur, je ne voulais pas que ces hommes nous retrouvent.
La route serpente à travers la forêt dense, les arbres se dressant comme des gardiens silencieux de notre secret. Les souvenirs de Laurie et moi jouant dans les bois remontent à la surface, me rappelant des moments plus simples et insouciants.
En approchant du lac de Malric, la cabane apparaît enfin. Elle est nichée parmi les arbres, entourée d’un calme presque surnaturel. Nous nous arrêtons devant et je coupe le moteur, le silence envahissant l’habitacle.
— Nous y voilà, dis-je, ma voix tremblante d’épuisement et d’émotion. La cabane de notre grand-mère.
AJ hoche la tête et sort de la voiture, me suivant jusqu’à la porte. Avec une main tremblante, j’insère la clé dans la serrure et ouvre la porte. L’intérieur est tel que je me le rappelle : rustique mais chaleureux, avec l’odeur du bois vieilli et des souvenirs d’enfance flottant dans l’air.
— Tu penses que c’est un bon endroit pour se cacher ? demande AJ, inspectant les alentours.
— Laurie disait toujours que c’était un sanctuaire, réponds-je en fermant la porte derrière nous. J’espère qu’elle avait raison.
La cabane de notre grand-mère est un refuge en bois, modeste mais chaleureux. Les murs sont tapissés de vieilles photos de famille, de paysages de montagnes et de lacs. Les meubles sont simples mais robustes, témoins de plusieurs générations. Une grande cheminée en pierre domine la pièce principale, avec des bûches soigneusement empilées à côté, prêtes à être allumées. Des tapis en laine tissés à la main couvrent le sol, ajoutant une touche de confort et de chaleur. L’odeur familière du bois vieilli et des souvenirs d’enfance flotte dans l’air, ramenant des images de soirées passées à écouter les histoires de Laurie autour du feu.
Les souvenirs d’enfance affluent. Laurie et moi, courant dans les bois, construisant des cabanes improvisées, nous cachant lors de jeux interminables de cache-cache. Les rires, les chants, les moments de complicité qui semblaient alors si ordinaires, mais qui prennent maintenant une dimension presque sacrée.
La cabane était notre sanctuaire, un lieu où le monde extérieur n’avait pas d’emprise sur nous.
AJ, quant à lui, est une présence imposante. Il est grand, avec une carrure athlétique, des épaules larges et des muscles bien définis sous sa longue veste noire. Ses cheveux bruns mi-longs, légèrement décoiffés, ajoutent à son air sauvage et mystérieux. Sa barbe naissante et ses yeux noirs perçants donnent à son visage un air de dureté, mais aussi une profondeur intrigante. Il dégage une aura de confiance et de détermination, mais également une certaine vulnérabilité que je perçois dans ses moments de silence.
Alors que je contemple la cabane, AJ s’approche d’une porte au fond de la pièce. Une porte dont je n’ai aucun souvenir. Avant que je puisse dire quoi que ce soit, il touche la poignée et est soudainement expulsé à plusieurs mètres. Il atterrit lourdement mais se redresse presque instantanément, ses yeux fixés sur la porte avec une intensité renouvelée.
Je me précipite vers lui, le cœur battant.
— AJ ! Est-ce que ça va ?
Il hoche la tête, visiblement secoué mais indemne.
— Qu’est-ce qu’il y a derrière cette porte ? demande-t-il, sa voix teintée de confusion et de curiosité.
Je secoue la tête, incrédule.
— Je ne sais pas, je suis certaine qu’elle n’existait pas lorsque je venais plus jeune.
AJ se relève complètement, son regard toujours rivé sur la porte.
— Cette cabane cache plus de secrets que je ne le pensais, murmure-t-il, plus pour lui-même que pour moi.
La porte semble émettre une légère vibration, presque imperceptible, mais suffisamment pour nous alerter de sa présence anormale. Je m’approche prudemment, une vague de souvenirs m’envahissant à chaque pas.
— Laurie et moi, on jouait partout ici, mais jamais il n’y avait cette porte, dis-je doucement, la voix tremblante d’émotion et de peur.
AJ pose une main réconfortante sur mon épaule.
— Il faut découvrir ce qu’il y a derrière, dit-il avec détermination. Mais on doit être prudents. Il y a probablement des protections magiques.
Je cligne plusieurs fois des yeux comme s’il me parlait chinois. Des protections magiques ? On marche sur la tête, je n’ai même pas envie de relever. Je hoche la tête, mon esprit tourbillonnant de questions et de craintes. La cabane de notre grand-mère, autrefois un sanctuaire de sécurité et de bonheur, est désormais un lieu de mystères et de dangers cachés.
J’approche de la porte prudemment et j’actionne la poignée. Elle semble fermée, mais je ne suis pas expulsée comme AJ. Je vois sa mâchoire se serrer, ses yeux fixés sur moi avec une intensité qui en dit long sur sa frustration. Quelque chose sur la porte attire mon attention.
Des symboles gravés subtilement dans le bois. Ils ressemblent étrangement à ceux que j’ai vus sur l’amulette.
Je fronce les sourcils, intriguée. Ma mémoire semble soudainement éveillée. Je me souviens alors de chaque détail de l’amulette, chaque ligne, chaque courbe, chaque symbole. Exactement comme ceux tatoués sur la main de cet homme qui me la collé en pleine face. Ce souvenir réveille légèrement la douleur de mon visage.
— AJ, pourquoi ne vois-tu pas l’amulette et pourquoi cette porte te rejette ? demandé-je en tournant lentement la tête vers lui.
Il serre les poings, réfléchissant intensément.
— L’amulette… Je pense qu’elle s’est liée à toi. Tu l’as en quelque sorte imprégnée.
J’incline la tête.
— Continue…
— Je pense que lorsque tu as ouvert le colis, elle t’a reconnue. Tu as plongé ton regard dans le sien et elle s’est liée à toi, elle t’est à présent dévouée. Elle est liée à toi, Léna.
— Mais ça ne me dit pas pourquoi toi tu ne la vois pas ?
— Parce qu’elle ne doit pas tomber entre de mauvaises mains et qu’elle me considère comme tel !
Qu’essaye-t-il de me dire ? Qu’il n’est pas quelqu’un de bien ? Que je suis aux mains d’une personne malveillante ? Que je suis tombée dans le pire traquenard de toute ma vie ? Est-ce qu’il est pour quelque chose dans la disparition de ma sœur ? Je n’arrive plus à avaler ma salive, mon cerveau tourne en boucle. Il voit mon désarroi.
— Je sais à quoi tu penses et enlève-toi cela de la tête. Je suis là pour t’aider et pour retrouver Laurie.
Une lueur d’espoir jaillit de l’obscurité. Mon visage s’illumine d’un sourire automatique.
— Tu penses qu’elle est toujours vivante ?
Il hoche la tête et sourit à son tour.
— Il faut qu’on ouvre cette porte, Léna.
Je regarde de nouveau les symboles sur la porte.
— Ce sont ceux de l’amulette mais dans le désordre. C’est un message et je pense qu’il faut qu’on le déchiffre, murmuré-je.
AJ hoche la tête.
— Exact. C’est une énigme et il faut la résoudre.
À suivre…
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