Durée de lecture estimée : 15 minutes
Auteure : Cindy Balavoine
C’est décidé, nous empruntons le couloir de l’étoile du matin. Les symboles sont forcément là pour une raison spécifique et je suis certaine qu’ils nous indiquent la sortie. AJ me fait entièrement confiance, alors que moi-même, je doute de ce que j’avance, mais il faut bien prendre une décision. Nous avons tous les deux envies de sortir de ce bourbier !
Nous avançons donc prudemment à travers le couloir sinueux, AJ et moi, nos pas résonnant faiblement sur le sol de pierre. Dire que je ne suis pas stressée serait le plus grand euphémisme du siècle. Dans quoi est-ce qu’on s’est embarqués, exactement ? J’espère de tout cœur que tout cela nous conduira à retrouver Laurie, et surtout, à la retrouver en vie.
Je jette un coup d’œil vers AJ, cherchant un signe d’inquiétude sur son visage. Mais il reste impassible, incroyablement calme. Quel self-control ! C’est presque déconcertant. Pendant que je lutte pour ne pas montrer à quel point j’ai les chocottes, AJ avance comme si de rien n’était. Pourtant, je suis persuadée que malgré tous mes efforts pour dissimuler mon angoisse, elle transpire par chaque pore de ma peau. Mais AJ, en parfait gentleman, n’aborde pas le sujet et me laisse croire que je suis cette guerrière intrépide que j’essaie désespérément de faire émerger en surface.
Je m’accroche à mes exercices de visualisation, essayant de me convaincre que tout va bien se passer. Laurie serait tellement fière de moi si elle pouvait voir ce que j’accomplis en ce moment. Elle m’a reproché des millions de fois de ne pas prendre de risques, de me contenter de subir la vie au lieu de la vivre pleinement. Eh bien, on peut dire que j’ai radicalement changé de camp. Si je continue sur cette lancée, ma vie ne sera plus jamais la même… et ce n’est peut-être pas plus mal. On peut dire que ma vie, je la mets rudement à l’épreuve !
Autour de nous, l’atmosphère est toujours aussi lourde, imprégnée de mystère et de tension, et le silence qui nous entoure semble presque surnaturel. Il me pèse, il m’angoisse… Le silence n’est pas seulement oppressant, il est presque palpable. Je garde les yeux fixés sur l’horizon qui tarde à se dessiner. Nous arrivons à une nouvelle intersection. Je lève les yeux vers le haut de chaque entrée, cherchant désespérément le moindre indice, la moindre direction qui pourrait nous guider vers la sortie.
– Lorsque le guide céleste se tient à son zénith, les cercles de la création s’aligneront, dis-je à voix basse me rappelant la phrase qui nous guide depuis le début dans ce monastère.
– Ici, pointe du doigt AJ en direction du couloir aux cercles entrelacés.
Nous ne nous attardons pas et continuons dans ce nouveau couloir qui semble interminable. C’est alors que je commence à percevoir un murmure. Faible, indistinct, comme un souffle porté par une brise que je suis la seule à ressentir. Un frisson parcourt mon échine. Je secoue la tête, me demandant si j’ai vraiment entendu quelque chose ou si c’est simplement mon imagination qui commence à me jouer des tours, encore une fois. Mais non, il est là, persistant, comme un murmure sans visage flottant autour de moi, caressant mon oreille avec une douceur inquiétante. Mon cœur s’accélère légèrement.
Je m’arrête, tendant l’oreille, cherchant à capter ce son étrange, incertain. C’est là, encore… Un murmure qui semble venir de nulle part et de partout à la fois.
AJ s’arrête brusquement voyant que je n’avance plus. Il se tourne vers moi, mon regard fouillant le sien pour voir s’il entend la même chose que moi.
— Tu entends ça ? demandé-je à voix basse, comme si élever la voix pourrait rompre le charme de ce moment étrange.
AJ fronce les sourcils, tend l’oreille, essayant de capter le moindre son dans ce silence pesant qui enveloppe encore et toujours le couloir. Il me regarde ensuite avec une pointe d’inquiétude dans le regard.
— Non… Je n’entends rien. Qu’est-ce que je suis censé entendre ? répond-il, un peu sceptique.
Je déglutis, incertaine.
— Je ne sais pas… C’est comme un murmure, une voix… Mais c’est trop faible pour que je comprenne ce qu’elle dit, expliqué-je, sentant la confusion se mêler à ma nervosité.
AJ se fige un instant, ses yeux se plissent alors qu’il essaie de tendre l’oreille plus intensément. Le silence dans le couloir semble encore plus lourd, presque suffocant, et je me demande s’il est sur le point d’entendre ce que j’entends.
Mais rien. Juste le silence, interrompu par le léger clapotis de l’eau qui s’infiltre quelque part dans ces murs.
— Tu es sûre d’entendre quelque chose ? demande-t-il avec douceur, mais je perçois le doute dans sa voix.
Ma première pensée est que c’est encore un coup de cette fichue amulette. Akaris… Est-ce que c’est toi qui me parles, maintenant ? Et si oui, pourquoi ne pas simplement envoyer un message vocal, on gagnerait du temps… Est-ce que je suis en train de devenir folle ? Un rire nerveux s’échappe de mes lèvres avant que je ne puisse le retenir.
— Peut-être… Peut-être que c’est juste mon imagination, murmuré-je en me passant une main nerveuse dans les cheveux. Mais je te jure que c’est là, comme un murmure au bord de ma conscience… Ça m’agace comme un moustique que tu n’arrives pas à attraper.
AJ me lance un regard intrigué, presque amusé.
— Alors maintenant, tu entends des moustiques dans un vieux monastère hanté ? dit-il avec un sourire en coin, essayant de détendre l’atmosphère.
— Très drôle, AJ, très drôle, répliqué-je avec un soupçon de sarcasme. Mais je n’ai pas le luxe d’ignorer tout ce qui peut potentiellement nous conduire vers la sortie, tu sais ? Ou vers un piège mortel, mais bon, on n’est plus à ça près…
Je décide de ne pas trop y penser. À ce stade, je préfère me concentrer sur ce que je peux contrôler : avancer, respirer, ne pas céder à la panique. Je fais un geste à AJ pour continuer, mais je reste attentive au moindre bruit, au moindre frémissement d’air. Le murmure revient, encore plus ténu, mais bien présent cette fois. Je sens presque un mot, un seul, qui flotte dans l’air, mais il m’échappe aussitôt, glissant entre mes pensées comme de la fumée.
Nous progressons encore, suivant les symboles gravés dans la pierre comme une piste de miettes laissée par une main invisible. À chaque fois que nous empruntons le bon couloir, le murmure semble se renforcer, comme une invitation, un encouragement à continuer. Ça fonctionne, je crois. Nous nous rapprochons de la sortie, j’en suis presque sûre.
Puis, nous arrivons devant deux nouvelles entrées, une nouvelle intersection. Je lève ma torche pour illuminer les arches de pierre qui s’ouvrent devant nous, cherchant frénétiquement les symboles qui nous ont guidés jusqu’ici. Mais il n’y a rien. Pas de signe, pas de gravure. Seulement deux couloirs, deux passages sombres qui s’enfoncent dans l’obscurité.
— Ça, c’est vachement moins drôle, soulève AJ.
Je me mords la lèvre inférieure, hésitante, tandis qu’AJ attend ma décision. J’ai l’impression qu’il laisse le poids des décisions sur mes épaules et ça n’a rien de rassurant. Mais je sais que je dois le faire, je dois nous sortir de là. Je suis une Delacroix, je ne peux pas mourir desséchée dans un vieux couloirs puant l’humidité sous une colonie de moine ! Et qu’est-ce qu’on écrirait dans le journal ? Rien… Parce que ni Laurie, ni moi, n’avons eu de descendance… Parce qu’on est clairement la calamité des Delacroix… Je dois sortir, je veux écrire, moi aussi, un truc dans ce foutu journal ; je veux pouvoir raconter mon histoire et faire partie de cette lignée forte et combative sur le point de détruire une malédiction ancienne !
— Oui, je peux le faire ! dis-je à voix haute pour me donner du courage.
— Bien sûr que tu peux le faire, me réponds AJ.
Est-ce que ça fait cinq minutes que je réfléchis à haute voix ? Non, pensé-je nerveusement me demandant s’il répond à mes pensées ou simplement au choix que je suis censée faire… peut-être les deux.
Mon instinct me dit de prendre celui de droite. Peut-être parce que le murmure semble faiblir un peu, presque imperceptiblement. Mais dès que nous nous engageons dans le couloir de droite, le murmure cesse complètement, laissant un vide sonore qui résonne de manière presque sinistre dans mon esprit.
— Attends, dis-je en m’arrêtant net.
Non, ce n’est pas le bon chemin. Mon instinct hurle à l’erreur.
AJ se retourne, les sourcils froncés.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demande-t-il, son regard passant de moi aux abimes du couloir qui se dessine devant nous.
Je me retourne lentement. Je fais erreur, j’en suis sure. Je fais demi-tour, tirant AJ par la manche.
— Qu’est-ce qui se passe ? demande-t-il, intrigué.
— Le murmure… Il a cessé. On a pris le mauvais chemin, AJ, dis-je en me tournant vers lui, la conviction résonnant dans ma voix.
AJ cligne des yeux, confus.
— Le murmure que je n’entends pas, tu veux dire ?
Je hoche la tête, déterminée, malgré l’absurdité de la situation.
— Oui, exactement. Fais-moi confiance, AJ. Quand on revient à la bifurcation, le murmure reprend. Je t’assure, c’est une voix, lointaine, mais distincte. C’est comme un chant doux et mystérieux qui flotte dans l’air.
Il ne dit rien et se fige devant les deux couloirs attendant ma décision.
— C’est cette entrée, dis-je, pointant celle de gauche avec un mélange de nervosité et de confiance.
Je suis ce son invisible avec une certitude nouvelle. Je sais que c’est la bonne direction. AJ me fixe, pesant mes mots avec attention. Est-ce qu’il me prend pour une folle furieuse ? Très certainement ; Est-ce qu’il a un autre choix ? Absolument pas.
— Tu es sûre de toi ? me demande-t-il, scrutant mon visage avec intensité.
Je hoche la tête, certaine de ce que je ressens. Quelque chose dans ce murmure, dans cette intuition, me dit que c’est la bonne voie.
— Absolument.
Nous entrons dans le couloir de gauche, et plus nous avançons, plus le murmure s’intensifie, jusqu’à ce que, enfin, nous voyions la lumière du jour qui commence à apparaître au bout du couloir, offrant un aperçu de liberté. La lumière, douce et apaisante, perce à travers l’obscurité. Le soulagement m’envahit, et je me sens soudain plus légère, comme si un poids venait de s’envoler de mes épaules. Je commence à sourire. Enfin, nous y sommes presque.
Mais alors que nous nous approchons de la sortie, une ombre se dessine à l’embouchure. Un moine, chauve, immobile, les mains enlacées dans les manches de sa robe. Sa tête est légèrement baissée, mais ses yeux… Ses yeux sont rouges, d’un rouge vif qui perce l’obscurité, comme deux braises ardentes. Un frisson glacé me parcourt le dos.
Je sens AJ me saisir brusquement par le bras, m’arrêtant net.
— Lena, murmure-t-il d’une voix rauque. C’est un démon ! poursuit-il d’un ton grave et tendu.
Je reste figée, le regard fixé sur cette silhouette sombre, une figure imposante et menaçante dont les yeux rouges semblent percer directement mon âme. Je décide d’occulter le murmure qui s’est encore intensifié mais que je ne comprends toujours pas. La peur s’insinue lentement dans mes veines, froide et implacable, comme une marée noire qui cherche à m’engloutir. Elle prend le dessus, je fais naturellement taire la voix dans ma tête, celle qui n’est pas la mienne…
Alors, c’est donc ici que tout se termine ? Est-ce vraiment ce moment fatidique où je vais affronter ces fameux démons qu’on m’a décrits dans toutes ces histoires que je croyais n’être que des contes de fées malveillants ? Est-ce l’instant où je vais probablement mourir ? Ou au mieux, perdre un bras… ou une jambe… ou pire, mon esprit ?
Une part de moi voudrait crier, courir, me précipiter dans l’autre sens, mais je suis clouée sur place. La terreur est paralysante. Mon cœur bat à un rythme frénétique, chaque pulsation résonnant douloureusement dans ma poitrine comme un avertissement. Pourtant, je ne peux m’empêcher de fixer ce démon, cet être qui ressemble étrangement à un moine mais qui ne trompe personne avec ses airs pieux et ses mains jointes dans ses manches. J’ai presque envie de rire nerveusement.
Je fixe le moine, ou plutôt… le démon, avec une terreur croissante. Sérieusement, les moines ne sont-ils pas censés être pacifistes ? Voués à leur religion, consacrés à une vie de prière et de contemplation ? Pas du genre à m’arracher la tête comme on cueille une fleur ? Et pourtant, les yeux rouges et l’aura malveillante de celui qui se tient devant nous ne laissent aucun doute sur sa véritable nature.
Un frisson glacé me parcourt de nouveau tandis que je commence à assembler les pièces du puzzle. Si ce moine est un démon… cela signifie qu’il faisait partie de la secte qu’Auguste a décimée autrefois. Cette même secte qui vénérait le démon Nyxias, dont les disciples avaient juré de tout détruire sur leur passage. Oh mon Dieu… ce monastère… Est-ce possible que tout ce lieu soit consacré à Nyxias? Un culte caché, dissimulé dans l’ombre depuis des siècles ?
Mon souffle se bloque dans ma gorge, et je sens mon cœur s’emballer. Et si tous les moines que nous avons croisés jusqu’à présent étaient eux aussi des démons, déguisés sous l’apparence de serviteurs pieux ? Une armée entière, cachée derrière les murs du monastère, prête à se révéler, à attaquer… Mon Dieu ! Et s’ils étaient là, à attendre notre sortie, une horde de moines démoniaques, avec leurs yeux rouges brillants dans l’obscurité, prêts à en découdre. Oui, oui… une armée entière devant le monastère, prêts à nous arracher nos pauvres âmes mortelles ?
— On est foutus… murmuré-je, ma voix n’étant plus qu’un souffle, comme si l’admettre à voix haute allait déclencher quelque chose de pire encore.
AJ me serre le bras un peu plus fort, son visage est tendu, concentré, mais je décèle une étincelle de peur dans ses yeux, mêlée à une détermination farouche. Il veut m’encourager, me rassurer, mais moi, je sais que la panique est là, tapie juste sous la surface.
— Ne panique pas, Léna, murmure-t-il, sans quitter le démon des yeux. Nous nous sommes entraînés pour ça.
Je voudrais rire, mais aucun son ne sort de ma bouche. S’entraîner pour quoi ? Pour mourir dignement ? Parce que franchement, j’ai l’impression qu’il va falloir un peu plus qu’un entraînement pour affronter ce… truc devant nous. Le démon ne bouge pas, ses yeux rouges restent braqués sur nous, fixes et perçants, comme s’il scrutait nos âmes, cherchant une faille à exploiter. Je peux presque sentir son aura maléfique qui se répand, une énergie glaciale qui s’infiltre dans chaque recoin de la crypte. Ça me donne envie de reculer, de courir dans l’autre sens, mais mes jambes refusent de bouger. Paralysées par la peur, ou par la certitude absurde que je pourrais peut-être, éventuellement, rester invisible si je ne bouge pas d’un pouce. Comme une enfant qui joue à cache-cache. 1, 2, 3, soleil !
Mon esprit s’emballe. Je tente de repousser les pensées de panique, de garder mon sang-froid, mais c’est une lutte perdue d’avance. Je n’ai jamais été préparée à ça. Qui pourrait l’être ? Un démon, vraiment ? AJ serre doucement ma main, son contact ferme me ramène un peu à la réalité, juste assez pour m’empêcher de fondre en larmes sur place. Il doit y avoir une autre solution, une sortie. Quelque chose. Mais quoi ? Je ne suis pas une guerrière, je n’ai pas de superpouvoirs cachés. Je suis juste une fille qui voulait retrouver sa sœur, et je me retrouve face à… ça. Je ne suis pas capable de me battre. Je n’en ai pas la carrure, ni le courage, ni le pouvoir. Je suis une Delacroix, mais il paraît que ça ne compte pas beaucoup quand on a un démon en face de soi. On va mourir dans d’atroces souffrances, je le sens !
Et cette pensée de la mort imminente me ramène à cette image mentale, insensée, d’une armée de moines démoniaques. Les disciples de Nyxias… Oui, c’est ça, les Skotós, si je me souviens bien des récits d’Auguste et des histoires de mes ancêtres. L’étau semble se resserrer autour de nous. Je ne vois pas d’issue. Je ne vois rien d’autre que ces yeux rouges, brûlants de haine et de malice. Comment allons-nous nous en sortir ?
Je suis si jeune ! Il y a tellement de choses que je n’ai pas faites. Je me tourne vers AJ, ce garçon qui commence à occuper une place bien plus grande dans mon cœur que je ne l’avais imaginé. Je me perds dans l’idée de ses lèvres, dans la douceur que j’aurais aimé goûter… C’est donc ça, être sur le point de mourir ? On pense à tout ce qu’on regrette, à tout ce qu’on n’a pas eu le temps de faire ? Qu’ai-je fait de ma vie jusqu’à aujourd’hui ? Rien… Rien qui ne vaille d’être mentionné dans une épopée ou un journal intime héroïque. Je vis seule dans un appartement trop petit, je ne sors presque jamais, je fais un boulot qui ne me passionne pas, je n’ai pas vu grand-chose du monde, j’ai perdu ma mère, et maintenant peut-être ma sœur aussi. Je pense à mon père, qui ne se remettra jamais de perdre toutes les femmes de sa vie.
Soudain, le moine ouvre la bouche et commence à parler. Je sens mon esprit se figer, comme si le temps s’était arrêté. Les démons peuvent-ils parler ? Évidemment qu’ils le peuvent, Léna, me dis-je avec agacement. Pourquoi est-ce que je me pose encore ce genre de questions stupides ? Évidemment qu’ils parlent, ils sont parmi nous, se mêlent à nous, se fondent dans la foule… tout comme AJ, me dis-je brusquement, frappée par cette pensée comme par un coup de tonnerre. Non, non, AJ est différent. Il l’a dit lui-même qu’il était différent. Pourtant…
Pourtant, ces yeux… Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à me défaire de l’impression que ces yeux rouges qui nous fixent avec tant de haine ressemblent à ceux que j’ai vus chez AJ, juste l’espace d’un instant, quand il m’a révélé sa vraie nature. Une vague de panique monte en moi, prête à tout balayer sur son passage. Non, pas maintenant ! Je dois rester lucide, concentrée. Je chasse ce fil de pensées délirantes avant qu’il ne m’engloutisse complètement. Mais j’ai déjà manqué une partie de ce que le moine — ou le démon, peu importe — est en train de dire. Je secoue la tête pour retrouver mes esprits et me concentre sur sa voix grave, qui résonne dans la crypte comme un écho funèbre.
« … Rends-nous ce que tu nous as volé… » termine-t-il, sa voix rauque, caverneuse, et lourde de menace. Il tend lentement une main vers moi, ses doigts décharnés semblant s’allonger à mesure qu’ils avancent, se dirigeant droit sur ma poitrine.
Une vague de chaleur monte brusquement le long de ma colonne vertébrale. Akaris. L’amulette contre ma peau se met à vibrer, sa chaleur diffuse s’intensifie de seconde en seconde, comme si elle s’éveillait à quelque chose d’invisible mais terriblement présent. La sensation est si forte que je sursaute presque, mes doigts se crispant instinctivement autour d’elle à travers ma chemise. Je sens son énergie s’accumuler, croître, comme une vague prête à déferler, prête à me protéger… ou à attaquer.
Je sens le pouvoir d’Akaris, cette chaleur intense qui commence à se répandre dans tout mon corps, envahissant mes veines comme une flamme brûlante. Je sais que l’amulette réagit à quelque chose, qu’elle se prépare pour… je ne sais quoi. Mais je sais qu’elle est avec moi, qu’elle est prête à faire face, tout comme moi. Mon regard revient au démon, sa main toujours tendue vers moi, son visage figé dans une expression de désir affamé, une attente presque insupportable.
« Rends-nous ce que tu nous as volé… » répète-t-il, sa voix prenant une teinte plus pressante, plus agressive. Il s’avance d’un pas, et je sens l’air se refroidir autour de nous, comme si une brume glaciale se répandait à partir de lui. Mais de quoi parle-t-il ? Akaris ? Est-ce qu’il veut l’amulette ? Pourquoi ici, pourquoi maintenant ?
Je sens mon cœur battre plus vite, mais je serre les dents, me tenant prête à affronter ce qui va suivre. Je ne sais pas ce qui va se passer, mais je sais une chose : Akaris m’a choisie, elle est liée à moi, et je ne laisserai personne, pas même ce démon au regard de braise, me l’arracher.
La tension est à son comble. Le démon avance lentement, ses yeux rouges fixés sur moi, son bras tendu comme s’il voulait arracher quelque chose de mon être. Je sens l’énergie d’Akaris grandir, se concentrer dans l’amulette contre ma peau, prête à exploser. Mais quoi faire ? Mon esprit s’emballe, mon cœur bat la chamade. Le doute commence à m’envahir.
Et puis, sans prévenir, AJ pousse un cri, un rugissement primal, qui résonne dans toute la crypte comme un coup de tonnerre. D’un bond, il se jette sur le démon, les yeux pleins de cette détermination qui me fascine autant qu’elle m’effraie.
— Fais ce que tu as appris ! Pulvérise-le ! hurle-t-il en pleine course.
Il est sérieux, là ? Il croit vraiment que je suis prête à faire exploser un démon à la première occasion ?! Si je rate, c’est lui que je vais pulvériser !
À suivre…
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