Durée de lecture estimée : 12 minutes
Auteure : Cindy Balavoine
Je sursaute face à ce haussement de ton soudain ! J’ouvre la bouche et la referme aussitôt, abasourdie. À cet instant, je suis tentée de partir en courant. Je ne suis pas sportive, mais je suis certaine que mon instinct de survie me transformerait en Usain Bolt. Qui est ce type ? Il me parle comme s’il me connaissait, il joue le gars sympa et puis il me hurle dessus juste après ! Et ces yeux ? Je suis quasiment certaine de ce que j’ai vu… une lueur rouge inquiétante.
Je prends une grande inspiration, essayant de calmer les battements frénétiques de mon cœur. J’ai envie de lui répondre qu’on ne se connaît pas, qu’on n’a pas élevé les cochons ensemble et que sa belle chevelure ne le dispense pas d’être poli ! Je fais bien ce que je veux des colis que je reçois. Mon esprit tourne à toute vitesse, jonglant entre la peur, la colère et l’incompréhension. Pourquoi tout cela m’arrive-t-il à moi ?
Je sens mes poings se serrer. Une partie de moi veut le gifler, mais l’autre sait que ce ne serait pas une bonne idée. Je prends une grande inspiration, prête à répliquer, mais avant que je ne puisse ouvrir la bouche, un van noir fait soudainement irruption dans l’impasse faiblement éclairée. Je fronce les sourcils, éblouie par les pleins phares. Les vitres sont teintées, on ne distingue rien à l’intérieur.
— Cours ! me lance AJ.
Je me retourne, mais le van vient de s’arrêter en dérapant juste derrière nous. Il est temps que j’active mes compétences d’athlète. J’avoue, je suis complètement paniquée. Mais qu’est-ce qui se passe ? Mon cœur bat à tout rompre, l’adrénaline envahit chaque parcelle de mon corps. Je tente de prendre mes jambes à mon cou, chaque muscle tendu par l’instinct de survie, mais je suis vite saisie par des mains puissantes. Mon esprit se brouille sous l’effet du stress, la peur paralysante me trouble la vue. Tout devient flou et, dans un ralenti incroyable, je vois un poing s’approcher de mon visage. Des tatouages couvrent ses articulations, ressemblant étrangement aux symboles gravés sur l’amulette que j’ai eu entre les mains quelques heures plus tôt. Oui, ce sont les mêmes… Le poing s’abat violemment sur mon visage. La douleur éclate comme un feu d’artifice, irradiant ma joue et ma mâchoire.
C’est le black-out total. Mon corps s’effondre, et je sombre dans une obscurité profonde et inquiétante, emportée par la douleur et la peur.
Je reprends conscience. Combien de temps vient de s’écouler ? Depuis combien de temps suis-je inconsciente ? Ma tête tourne et une sensation de nausée monte en moi. J’ai la bouche pâteuse, un goût métallique de sang et de saleté sur la langue. Mes mains sont solidement ligotées, les cordes me mordant les poignets avec une intensité douloureuse. Un sac puant, imprégné de sueur et de poussière, recouvre ma tête. L’odeur est suffocante, j’ai l’impression de m’étouffer.
Je jure et ronchonne tandis qu’une vive douleur me vrille la joue. La pulsation sourde de la douleur s’étend à chaque battement de mon cœur.
— Ils m’ont pété la pommette, ces enfoirés ! je peste, serrant les dents pour essayer de supporter la douleur.
Je tente de bouger, de me libérer, mais mes mouvements sont restreints par les liens serrés. Chaque mouvement me rappelle la brutalité de l’attaque. La panique monte, mais je sais que je dois rester calme pour avoir une chance de m’en sortir. Mon esprit est embrouillé, mais je lutte pour me concentrer, cherchant désespérément une solution, un moyen de m’échapper de cette situation cauchemardesque.
Je gigote, essayant vainement de desserrer mes liens. Les cordes serrées me mordent les poignets, chaque tentative de mouvement ne fait qu’accentuer la douleur. C’est alors que la voix d’AJ résonne dans l’obscurité :
— Léna, c’est toi ? Tu es là ?
Étrangement, je suis soulagée. Je ne sais pas vraiment qui est ce type, je n’ai pas totalement confiance en lui, mais je sens au fond de moi qu’il ne me veut pas de mal. Je pense qu’il tente vraiment de retrouver ma sœur et qu’il souhaite m’aider. Je réalise alors qu’on est attachés dos à dos sur des chaises.
— Oui, toi aussi à priori ? je murmure, ma voix tremblante d’émotion.
— Oui, mais il faut qu’on reste calmes, dit AJ, sa voix prenant une teinte rassurante malgré la situation.
Il porte également un sac sur la tête, comme moi. Je reprends lentement mes esprits, essayant de maîtriser ma respiration pour ne pas céder à la panique. Chaque souffle est difficile à travers le tissu épais du sac qui m’étouffe presque. Mon cœur bat la chamade, mais je me force à me concentrer sur la voix d’AJ. La panique m’étreint malgré ses efforts pour me raisonner.
— On va s’en sortir, d’accord ? me dit-il doucement. On doit juste rester calmes et trouver un moyen de se libérer.
Pourtant, je ne me maîtrise plus. Les sanglots me secouent, des tremblements incontrôlables envahissent mon corps. La peur s’est emparée de moi, m’enveloppant dans une étreinte glaciale. AJ essaye de nouveau de me calmer, sa voix est ferme mais douce.
— Léna, écoute-moi. Respire. On va trouver une solution, d’accord ? Reste avec moi.
Ses mots ne parviennent pas à traverser le mur de terreur qui m’emprisonne. Je n’arrive plus à me contenir. Les larmes coulent, imbibant le tissu du sac sur ma tête. Mes sanglots résonnent dans la pièce sombre et inconnue. Soudain, entre deux sanglots, j’entends AJ marmonner que je suis “la pire héritière Delacroix connue”.
Mes sanglots s’arrêtent subitement, remplacés par une stupeur glaciale. Héritière Delacroix ? Les mots résonnent dans mon esprit, semant la confusion.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là, AJ ? je chuchote, ma voix tremblante.
AJ reste silencieux un moment, comme s’il hésitait à me dire quelque chose d’important. Son souffle devient plus lourd, comme s’il pesait chaque mot avant de les prononcer. Mais avant qu’il ne puisse répondre, des bruits de pas se rapprochent, résonnant lourdement sur le sol dur, annonçant l’arrivée de nos ravisseurs.
Des voix d’hommes résonnent dans la pièce. Ils parlent une langue que je ne connais pas et semblent très agités, leur ton montant en intensité. Mon cœur s’emballe de nouveau, chaque battement résonnant comme un tambour dans ma poitrine. Soudain, on nous arrache brutalement nos sacs de la tête. La lumière, bien que tamisée, me fait plisser les yeux, éblouie par le contraste avec l’obscurité dans laquelle j’étais plongée.
Un homme se tient devant moi, son visage crispé par la colère. Il doit avoir une cinquantaine d’années. il a le crâne dégarni et des traits marqués par le temps et l’amertume. Ses yeux perçants et injectés de sang me scrutent avec une intensité terrifiante. Il me hurle dessus dans cette langue étrangère, ses mots crachés avec une violence qui me glace le sang.
— C’est du grec, lâche AJ dans mon dos, sa voix basse mais audible.
— Et ça veut dire ? osé-je répondre timidement alors que le visage déformé par la colère du type est à quelques centimètres du mien.
— J’en sais rien, je ne parle pas le grec ! répond AJ avec une frustration palpable.
Super ! pensé-je alors que l’haleine fétide du gars me donne la nausée.
L’homme s’éloigne pour revenir quelques instants plus tard avec un seau d’eau. Sans prévenir, il me balance le contenu au visage. L’eau glacée me frappe comme une gifle, me coupant le souffle. Je hurle d’incompréhension et de douleur sous ses cris, mes vêtements s’imbibant rapidement. L’eau coule sur mon visage, m’aveuglant momentanément, tandis que je tente de reprendre mon souffle, chaque inspiration étant une lutte contre la panique montante.
— Je ne comprends pas ce que vous dites, pleuré-je. Je ne parle pas votre langue.
Mes paroles se perdent dans l’air, désespérées. L’homme fronce les sourcils et le nez, un mélange de frustration et de dégoût se dessinant sur son visage. Puis, sans un mot, il repart, laissant derrière lui un silence pesant. Le calme revient progressivement, mais mon cœur bat toujours à tout rompre.
AJ murmure dans mon dos, sa voix teintée de détermination :
— Ne t’inquiète pas, je vais nous libérer.
Je me raccroche à ses mots comme à une bouée de sauvetage. Je prends une profonde inspiration pour calmer mes nerfs avant de lui poser la question qui me hante.
— Est-ce que ce sont les types qui ont enlevé ma sœur ? demandai-je, ma voix tremblante.
— C’est probable, répond-il après un silence.
Mon esprit tourne à toute allure, essayant de comprendre.
— Pourquoi auraient-ils enlevé Laurie ? murmuré-je, sentant la panique revenir.
— Parce qu’elle est une héritière Delacroix, déclare AJ, sa voix grave résonnant dans l’air oppressant.
Je suis perdue. Je ne comprends pas son histoire d’héritière ! Il parle avec des énigmes et ça m’agace ! Et que veulent ces types ? Pourquoi me balancent-ils de l’eau glacée au visage ?
— Quoi ? Je ne comprends rien à ce que tu racontes ! En quoi être une Delacroix justifie qu’on nous enlève et nous torture ? m’écriai-je, la voix tremblante de frustration.
La panique me reprend à l’idée d’être torturée. Mon esprit s’emballe, chaque pensée devenant plus terrifiante que la précédente.
— Oh non ! Je suis bien trop douillette pour être torturée ! AJ, je ne survivrai jamais… Je ne mérite pas de mourir, dis-je, ma voix se brisant sous le poids de la peur.
AJ me coupe, sa voix soudainement plus douce, presque compatissante.
— Tu ne sais pas qui tu es, hein ?
Je me tais, déconcertée. Je ne sais pas ce qu’il veut dire. Qui je suis ? Léna ? Qui serais-je d’autre ? Pourtant, je ne réponds pas. Il a raison, je ne sais pas qui je suis. Je ne l’ai jamais su.
Les mots d’AJ résonnent dans mon esprit. Héritière Delacroix ? Mais qu’est-ce que cela signifie ? Je me souviens alors des histoires que Laurie me racontait lorsque j’étais petite. Elle me contait les légendes d’Auguste, qui aurait été notre ancêtre. Auguste était un aventurier intrépide qui, lors d’une expédition en Égypte antique, déroba un artefact et un livre ancien à un culte démoniaque qui les vénérait. Mais ce larcin déclencha une malédiction qui se transmettait de génération en génération.
Laurie me disait que la lignée d’Auguste serait condamnée à porter un lourd fardeau, mais qu’elle le porterait pour nous deux et que je ne devais pas m’inquiéter. Mon cœur se serre, se brise. Cette histoire avait-elle une réelle signification ? Était-ce une tentative de Laurie pour me dire quelque chose de crucial ?
L’agitation augmente soudainement dans la pièce. Les voix deviennent plus fortes, les gestes plus rapides et nerveux. AJ, voyant les hommes très agités en portant quelque chose à bout de bras entouré d’une tonne de serviettes, s’inquiète et s’agite. Une peur palpable se lit dans sa voix.
— Léna, tu as planqué ce que je t’ai envoyé en lieu sûr, n’est-ce pas ? demande AJ, la voix teintée d’urgence, ses yeux me fixant intensément.
Je réponds, hésitante.
— Bien sûr.
— Où est-il ? insiste-t-il, je sens un stress palpable, lourd de sens.
— Sous mon lit, dis-je avec beaucoup d’appréhension, comme si je savais déjà ce qu’il allait me répondre.
— Sous ton lit ! Mais Léna, t’as un petit pois dans le crâne ! s’exclame AJ, dépité.
Je n’ose même pas rétorquer. J’ai l’impression qu’il me déteste, moi la pleurnicheuse incrédule de la famille Delacroix. Je n’arrive pas à la cheville de Laurie et ça le déçoit. Il s’attendait à la petite soeur intrépide, il a rencontré la petite soeur idiote et trouillarde.
— Et tu l’as ouvert, n’est-ce pas ? ajoute-t-il, la colère montant dans sa voix.
J’ai réussi à l’énerver contre ma volonté, bien sûr. Je rétorque avec difficulté :
— En même temps, tu admettras que c’est super con d’envoyer un colis à quelqu’un et de lui demander de ne pas l’ouvrir !
AJ semble blasé, exaspéré par ma réponse. Il secoue la tête, résigné.
— Je le savais. Je l’ai deviné en voyant la peur se dessiner dans ton regard lorsque tu as entrevu qui j’étais dans la ruelle. Tu l’as activé, ma grande. On a des choses à se dire, toi et moi ! Tu viens de faire basculer ton destin ! Mais là, tout de suite, il faut partir. Prie pour qu’Akaris soit toujours sous ton lit !
Je reste bouche bée. Mais je n’ai pas le temps de lui demander qui est Akaris, ni ce qu’il “etait”, lui. Les liens qui retiennent mes mains se desserrent, libérant mes poignets. Quel soulagement ! Je sens le souffle d’AJ dans ma nuque, et une vague de confusion m’envahit. Suis-je terrifiée ou ce type me fait-il de l’effet ? Il murmure doucement :
— Tu vas me suivre, sans faire de bruit. Tu restes derrière moi, quoi qu’il arrive. Est-ce que c’est compris ?
Je hoche la tête, incertaine de ce qui va se produire, mais mon cœur me dit de lui faire confiance. Je préfère ça à la torture.
À suivre…
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