Épisode 5

Les démons d’Auguste

Durée de lecture estimée : 19 minutes
Auteure : Cindy Balavoine

La porte devant nous est imposante et austère, se détachant nettement du reste de la cabane par son apparence singulière. Elle est faite d’un bois sombre et robuste, dont la surface lisse et légèrement réfléchissante semble presque neuve, en contraste avec le reste de la cabane vieillie par le temps. Elle est haute, atteignant presque le plafond, avec des proportions qui la rendent à la fois majestueuse et intimidante.

Ses bords sont ornés de moulures finement ciselées, représentant des motifs floraux entrelacés avec des symboles géométriques complexes. Ces motifs, bien que délicats, dégagent une aura de mystère, comme s’ils cachaient un savoir ancien et oublié. Je suis à la fois fascinée et incrédule face à ce que je vois.

A.J. se rapproche, mais reste à distance raisonnable. Il ne semble pas s’être remis de son éjection malencontreuse. Étonnamment, ça me fait sourire. Nous examinons attentivement la porte. Ce qui nous frappe ? Elle est étrange, cette porte ne possède aucune serrure apparente. J’observe A.J. se gratter la tête. Je passe ma main sur la surface lisse du bois, ressentant une légère vibration sous mes doigts. C’est étrange, perturbant.

— Il n’y a pas de serrure, murmure AJ, la porte doit forcément s’ouvrir par un autre mécanisme.

Bien vu, Sherlock ! pensé-je sans oser ironiser. Ma blague me fait rire et A.J. fronce les sourcils. Je pince les lèvres et hoche la tête pour valider son affirmation.

Au centre de la porte, une série de symboles gravés attire mon attention. Ils sont disposés en cercles concentriques, chaque cercle abritant des symboles différents, tous reliés par des lignes sinueuses qui se croisent et se rejoignent en un point central. Ces symboles sont gravés avec une précision étonnante, chaque ligne et courbe étant nette et profonde, témoignant d’un travail d’orfèvre.

Les symboles eux-mêmes sont d’une nature indéchiffrable au premier regard, mélangeant des caractères inconnus, des formes géométriques, et des dessins qui ressemblent vaguement à des constellations.

Je me sens étrangement attirée par les symboles gravés. Je m’approche un peu plus et commence à passer délicatement le bout de mes doigts dessus. À ma grande surprise, ils s’illuminent légèrement, réagissant à mon toucher. La lumière qu’ils émettent est d’une couleur dorée douce, presque éthérée.

— Ce sont eux la clé, murmuré-je, fascinée.

A.J. reste à distance, visiblement toujours échaudé par sa dernière tentative. Il semble peu enclin à retenter l’expérience. Je le regarde tout de même avec une certaine suspicion. Pourquoi ne voyait-il pas Akaris à l’appartement ? Et pourquoi cette porte ne voudrait pas de lui ? Je m’apprête à le questionner mais il est plus rapide, comme s’il lisait dans mes pensées pour m’empêcher d’en savoir trop.

— Tu es certaine que cette porte n’existait pas avant ? demande-t-il, les sourcils froncés.

— Oui, j’en suis certaine. Quand j’étais petite, cette porte n’était pas là. Juste un mur ordinaire, lui dis-je. J’ai dessiné sur ce mur, je me souviens très bien avoir été punie.

Nous nous regardons un instant, partagés entre la confusion et la curiosité. Finalement, nous décidons d’examiner la pièce adjacente.

La chambre de notre grand-mère est une pièce simple et chaleureuse, dominée par un grand lit en bois massif aux couvertures soigneusement pliées, comme si elle attendait encore sa propriétaire. Les murs sont ornés de photos de famille jaunies par le temps, des souvenirs d’une époque révolue. Un tapis moelleux couvre le sol, étouffant le bruit de nos pas tandis que nous avançons prudemment.

L’attention d’AJ se porte sur l’armoire ancienne et imposante, qui occupe l’autre côté du mur, celui où se trouve la porte mystérieuse. Nous nous dirigeons vers l’armoire, AJ ouvre les portes et commence à tapoter légèrement sur les parois du fond, une expression concentrée sur le visage.

Il se tourne vers moi.

— Il y a quelque chose ici, murmure-t-il. Aide-moi à déplacer cette armoire.

Il est rigolo lui ! Elle doit peser deux tonnes ! Je m’avance, tentant d’y mettre toute ma bonne volonté, mais mes mini muscles peu sportifs ne sont pas vraiment d’une grande aide. Je pousse de toutes mes forces, mais l’armoire ne bouge pas d’un iota.

AJ me regarde, amusé. Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle !

— Monsieur Muscle souhaite peut-être me faire une démonstration ? raillé-je, un peu vexée.

Il saisit alors le meuble de ses deux mains et le déplace avec une facilité déconcertante. Je ne peux m’empêcher d’écarquiller les yeux. D’où lui vient cette force surhumaine ? Qui est-il vraiment ? Je me sens à présent ridicule avec ma maigre contribution.

— Allez, Léna, tu fais du bon travail, ironise-t-il, un sourire malicieux sur les lèvres.

Je lui lance un regard noir, il se fout de ma poire, mais je ne peux m’empêcher de sourire intérieurement. Ce type réveille quelque chose en moi qui semblait définitivement perdu. Ça me fait peur. Je détourne le regard.

Finalement, l’armoire est déplacée, révélant un mur nu. AJ passe sa main sur la surface et tapote légèrement. Il sonne creux. Il y a bien quelque chose derrière cette paroi.

— Où mène cette porte ? murmuré-je.

Nous retournons dans le salon, décidés à élucider ce mystère. Une idée germe dans mon esprit.

— Je vais chercher l’amulette, dis-je à A.J., même si ma mémoire paraît infaillible ces derniers temps, bien plus qu’auparavant. J’aimerais comparer les symboles.

A.J. acquiesce, son regard de nouveau rivé sur la porte mystérieuse. Je me dirige rapidement vers la voiture, mon cœur battant à tout rompre. L’air vif me pique légèrement la peau tandis que je sors précipitamment. J’ouvre la portière de la voiture et récupère le linge dans lequel l’amulette est enroulée.

De retour dans la cabane, je m’approche de la porte, l’amulette toujours enroulée dans le linge. A.J. me suit du regard, ses yeux perçants scrutant chacun de mes mouvements avec une intensité presque palpable.

— Fais attention, me prévient-il d’une voix grave, empreinte d’inquiétude.

Je hoche la tête et inspire profondément. Je découvre l’amulette en conservant le linge entre elle et moi. Elle est magnifique. Lentement, je l’approche des symboles gravés sur la porte, mais à peine l’ai-je rapprochée que l’amulette commence à chauffer. Une chaleur intense émane de l’objet, se propageant rapidement à travers le linge.

— Elle chauffe ! m’exclamé-je en reculant légèrement, surprise par la montée rapide en température.

La chaleur devient rapidement insupportable, brûlant mes doigts même à travers le tissu. Je suis obligée de lâcher prise, laissant l’amulette tomber au sol avec un bruit sourd. Je secoue mes mains, tentant d’apaiser la douleur de la brûlure.

A.J. s’approche, son visage marqué par une expression de préoccupation.

— Tu vas bien ? demande-t-il en regardant mes mains rougies.

— Oui, ça va, juste un peu brûlée, réponds-je en soufflant sur mes doigts pour les refroidir.

Il observe l’amulette tombée au sol, les yeux plissés par l’inquiétude.

— Je pense que tu te trompes, cette amulette ne semble pas m’apprécier… dis-je un peu décontenancée.

— Non, tu te trompes. Akaris ne veut pas que tu ouvres cette porte, murmure-t-il, plus pour lui-même que pour moi.

Je récupère le linge et m’approche de nouveau de l’amulette. Je tente de la ramasser précautionneusement. Mais la sensation de brûlure me submerge rapidement, le bras me forçant à avorter ma tentative. Elle se met ensuite à dégager une lumière aveuglante, insoutenable, ne permettant pas, même au sol, d’en lire les gravures. Pourquoi refuse-t-elle que nous ouvrions cette porte ? Qu’y a-t-il de si important derrière ?

— On doit trouver un moyen de déchiffrer les symboles sans l’amulette, dis-je, soudain déterminée.

Je m’approche de la porte, observant chaque détail des symboles gravés. Les formes et les courbes me semblent étrangement familières, comme si elles étaient imprimées dans mon esprit. Peut-être que l’amulette a laissé une empreinte dans ma mémoire quand je l’ai touchée pour la première fois.

Je passe mes doigts sur les symboles, sentant à nouveau cette légère vibration. Les symboles s’illuminent légèrement sous mon toucher, répondant à ma présence.

Je regarde de nouveau les symboles, essayant de faire le lien avec ce que je me souviens de l’amulette. Les symboles sont dans le désordre. Une idée me traverse l’esprit.

— A.J., je pense que c’est un message codé. Si on active les symboles dans le bon ordre, cela devrait ouvrir la porte.

A.J. pose une main délicate sur mon épaule, comme pour m’offrir de la force ou du courage. À son contact, une douce chaleur réconfortante se diffuse dans mon corps, mon cœur s’affole. Depuis notre première rencontre, quelque chose a changé, je suis toutefois incapable de l’expliquer. Pourtant, je tente de ne pas y prêter attention, je me concentre, essayant de me rappeler l’ordre exact des symboles sur l’amulette. La mémoire de ces symboles s’anime dans mon esprit, chaque détail s’illuminant avec une clarté presque surnaturelle. C’est comme si l’amulette avait imprimé ces symboles dans ma conscience, les gravant à jamais dans ma mémoire. Lorsqu’A.J. retire sa main, je ressens un manque étrange, mais je reste concentrée.

Je ferme les yeux un instant, laissant mon esprit explorer mes souvenirs récents. Je vois les images, leurs formes complexes, leurs courbes élégantes. Je revois l’amulette telle qu’elle était lorsque je l’ai tenue dans mes mains pour la première fois, chaque détail se révélant avec une précision étonnante. Je me souviens des tatouages sur les articulations de l’homme qui m’a frappée, des symboles identiques à ceux de l’amulette, un lien que je ne peux ignorer.

— Continue, m’encourage A.J.

Mes doigts tremblent légèrement. Je commence par le symbole central, celui qui ressemble à une étoile à six branches. C’était le plus proéminent sur l’amulette, le cœur de tout le motif. Je pose mes doigts fermement sur le symbole, et lorsque je l’active, il s’illumine vivement, comme s’il répondait à mon intuition.

— Tu es sur la bonne voie, continue doucement A.J.

Ensuite, je me rappelle de deux symboles adjacents, semblables à des spirales entrelacées, qui entouraient l’étoile sur l’amulette. Je les active tour à tour, sentant la porte vibrer légèrement sous mes doigts. Un nœud se forme au creux de mon estomac.

Je passe à un symbole qui ressemble à une lune croissante, situé juste en dessous de l’étoile. Je le touche délicatement, et il s’illumine instantanément, renforçant la lumière émanant des autres symboles. Puis, je m’attaque aux symboles restants, chacun activé dans l’ordre où ils étaient disposés sur l’amulette. Un symbole semblable à un œil, un autre en forme de flèche pointant vers le bas, et enfin un cercle parfait encerclant une petite croix.

L’illumination devient plus intense, les symboles commencent à s’aligner, se connectant entre eux pour former un motif complexe mais harmonieux. Chaque symbole s’illumine plus intensément au fur et à mesure que je les active dans le bon ordre, créant une lumière dorée qui se propage le long de la porte. Le spectacle est incroyable.

— J’ai réussi ! dis-je, sentant une nouvelle vibration parcourir la porte.

Un déclic se fait soudain entendre, suivi d’un grincement. La porte s’ouvre alors légèrement dans un grincement sinistre. Je me recule, le cœur battant, sentant l’excitation et l’appréhension se mêler.

Avec A.J., nous nous regardons, les yeux écarquillés par la surprise et l’anticipation.

— C’est maintenant que les choses sérieuses commencent, murmure A.J.

Je hoche la tête, pas tout à fait prête à découvrir ce que cache cette mystérieuse porte.

Derrière la porte entrebâillée, l’obscurité règne en maître. Un courant d’air froid s’échappe du passage, me faisant frissonner. À la lueur vacillante des symboles qui continuent de briller doucement, je distingue une échelle en métal qui descend dans un trou béant sous la maison. Probablement un sous-sol ou une cave. Mon cœur se met à battre à tout rompre, tambourinant contre ma poitrine comme s’il voulait s’échapper.

Une montée d’angoisse me submerge. Je tente de me rappeler les exercices de respiration que Laurie me faisait faire lorsque j’étais enfant, pour m’aider à calmer mes crises de panique. Je ferme les yeux, inspire profondément par le nez, compte jusqu’à quatre, puis expire lentement par la bouche. Je répète ce cycle plusieurs fois, essayant de ralentir les battements frénétiques de mon cœur.

Je sens le regard d’A.J. se poser de nouveau sur moi. Ce regard intense et pénétrant qui me met mal à l’aise. Il m’observe avec une attention soutenue, presque avec désir. Une partie de moi veut croire qu’il est réellement là pour m’aider, peut-être même pour moi, mais l’incertitude persiste. Il ne m’a encore rien dit de concret, je ne sais toujours pas qui il est réellement.

— Tu vas bien ? demande-t-il finalement, sa voix basse résonnant dans le silence pesant de la pièce.

Je hoche la tête, même si une part de moi doute encore. Pourquoi est-il ici ? Pourquoi semble-t-il si déterminé à me protéger ? Je sens qu’il me cache quelque chose, mais je n’ai pas le luxe de m’attarder sur mes doutes en ce moment.

— Tu dois descendre, dit-il en désignant l’échelle. Je sais que c’est effrayant, mais on n’a pas le choix.

— Tu ne descends pas avec moi ? je demande, surprise qu’il ne m’épaule pas.

J’ai la trouille, je suis mortifiée, et ce héros de pacotille me dit de descendre seule. Mon admiration injustifiée pour lui prend soudain la direction de la sortie, sans même un au revoir. Quel genre de sauveur laisse une femme sans défense explorer les entrailles de la Terre ? Franchement, Batman lui-même n’aurait pas osé !

— Elle ne me laissera pas passer, je peux le sentir. Je ne suis pas le bienvenu. Tu dois y aller sans moi. Je reste ici, je ne pars pas. Je ne laisserai personne entrer mais tu dois le faire seule, Léna. C’est ta maison, ton sanctuaire, ne crains rien…

Il laisse sa dernière phrase en suspens, et j’en reste sans voix. Qui ne le laissera pas passer ? La porte ? La maison de grand-mère ? Le chat du voisin ? Je ne relève pas, c’est trop pour moi. J’ai l’impression de perdre la boule, d’être coincée dans un vilain cauchemar dont je n’arrive pas à me réveiller ! Depuis quand les portes se prennent pour des videurs de boîte de nuit et éjectent les gens comme ça ?

Je jette un nouveau coup d’œil à l’obscurité. Il me faut de la lumière pour descendre. Instinctivement, je porte une main à ma poche. Mon téléphone ? Bien sûr, ils ont gardé mon téléphone. Dans toute cette précipitation, je n’avais même pas pensé à lui.

— Merde, mon père ! m’exclamé-je.

Je lui ai envoyé ma position juste avant mon enlèvement. J’espère qu’il ne s’est pas rendu sur place et ne s’est pas retrouvé nez à nez avec les Grecs.

C’est peut-être ce qui me motive à activer mon mode courage, celui que je n’active pas très souvent. Plus vite j’aurai des réponses, plus vite je pourrai m’assurer que mon père va bien.

— D’accord, je vais descendre, dis-je, ma voix trahissant une légère tremblote mais il me faut de la lumière.

Je pars dans le premier tiroir de la cuisine, celui où on met tout ce qu’on trouve quand on ne sait pas où le ranger. Bingo ! Une lampe de poche et elle fonctionne encore. Je me poste devant la porte, la saisis et l’ouvre entièrement dans un grincement qui ferait frémir un ours en plein sommeil. Je regarde une dernière fois A.J. qui me sourit tendrement. Ce garçon est une énigme, mais je préfère avoir confiance, il n’a pas l’air de me vouloir du mal.

— Tu ne peux toujours pas prendre Akaris ? me demande-t-il au moment où je m’apprête à franchir la ligne qui me sépare de l’inconnu.

Mon regard se pose l’amulette posée au sol. Je m’en approche et la saisis. L’amulette ne semble plus réagir. Son contact est froid, sa lumière s’est éteinte. Par précaution, je préfère l’entourer du linge.

— Tu as ouvert la porte, elle ne peut plus rien faire pour t’en empêcher.

Je me redresse, mon précieux entre les mains.

— Garde-la avec toi, elle pourrait t’être utile en bas. Akaris est une arme, Léna, et elle ne répondra qu’à toi. On ne sait pas ce qui se trouve en bas.

J’acquiesce. Une arme ? Je n’ai même pas envie de relever pour le moment. Je bloque le linge dans la ceinture de mon pantalon et franchis l’ouverture, la lampe à la main. Je m’accroche fermement aux barreaux froids de l’échelle et commence à descendre, chaque pas résonnant dans le silence oppressant. L’obscurité semble s’épaissir autour de moi, m’enveloppant dans un manteau de ténèbres. Je sens A.J. juste derrière moi, sa présence rassurante malgré mes doutes et mes craintes.

L’échelle est longue, bien plus longue que je ne l’aurais imaginé. Les minutes s’étirent, chaque mouvement semblant durer une éternité. Enfin, mes pieds touchent le sol dur et froid d’une cave.

— Tout va bien ? demande A.J. du haut de la maison.

— Oui, lui réponds-je sans savoir trop ce qui m’attend, l’obscurité est totale et j’ai peur de tourner ma lampe.

« Il n’y a pas de monstre Léna, ça n’existe pas les monstres ! » me murmuré-je pour me rassurer.

Je prends une grande inspiration, l’air est frais et humide, sentant le moisi et la pierre froide. Je dirige le faisceau de la lampe autour de moi, révélant les murs de pierre brute de la cave. Des ombres dansent sur les parois rugueuses, créant des formes étranges et inquiétantes.

— Il n’y a rien de dangereux ici, juste une cave, une vieille cave, dis-je à voix haute, comme pour me convaincre.

Je fais quelques pas prudents, éclairant les coins sombres. Des étagères en bois vermoulu longent les murs, remplies de vieilles boîtes et d’objets poussiéreux. Au centre de la pièce, une grande table de bois massif, semble trôner là depuis des années.

— Je vois une table et des étagères, c’est tout pour le moment, dis-je en levant les yeux vers l’échelle.

— Cherche bien, il doit y avoir quelque chose d’important ici, répond A.J. avec une insistance qui me pousse à continuer.

Je m’approche de la table, balayant la poussière d’un geste de la main. Je peux sentir le bois gravé sous ma peau. J’approche ma lampe de poche révélant des symboles similaires à ceux de la porte.

— A.J., il y a des symboles ici, comme ceux de l’amulette, dis-je, le cœur battant à tout rompre.

— Bien, essaye de les activer comme tu l’as fait avec la porte, me suggère-t-il.

Je prends une profonde inspiration, pose l’amulette sur la table et commence à passer mes doigts sur les symboles gravés. Comme sur la porte, ils s’illuminent doucement à mon contact. Je les active exactement dans le même ordre.

Un déclic se fait entendre. Un tiroir s’ouvre lentement. À l’intérieur, je découvre un gros livre qui semble remonter à des siècles. Étrangement, il n’est pas poussiéreux. Tout à l’intérieur de ce tiroir est propre, des stylos et des crayons de notre époque sont soigneusement rangés. Le livre, malgré son apparence ancienne, semble très bien conservé. Il est grand, gros, imposant, et de couleur rouge foncé. Les symboles d’Akaris y sont également gravés.

Je regarde l’amulette, perplexe.

— Pourquoi tu ne voulais pas que je trouve ce livre ? De quoi es-tu censée me protéger ? murmuré-je.

Bien sûr, elle ne me répond pas. À quoi tu t’attendais ma pauvre ? Tu deviens chèvre ! Je saisis le livre à deux mains. Il est lourd. Je le pose sur la table. Quelque chose me dit que ce livre n’est pas qu’un simple bouquin. Mon cœur, mon corps et ma tête sont parfaitement d’accord, ce qui change de d’habitude. Je passe ma langue sur mes lèvres sèches à cause du stress. Je ferme les yeux et secoue la tête, tentant de calmer mes pensées tumultueuses. Je commence à comprendre pourquoi Laurie qualifiait cet endroit de sanctuaire !

— Sois forte Léna ! Tu y es presque. Fais-le pour Laurie, pour papa… murmuré-je pour me donner du courage.

J’inspire profondément et me saisis de la couverture. J’ouvre délicatement le livre. Il est écrit à la main, dans une écriture douce et lisible à l’encre bleue. La première page est signée Auguste Delacroix. Mon cœur rate un battement. C’est le journal de mon ancêtre, celui dont Laurie me contait les aventures. Et si elle n’avait rien inventé ?

— Tu as trouvé quelque chose ? crie A.J.

Mon instinct me pousse à mentir.

— Non, pas encore, je cherche…

Je tourne les pages, avide de comprendre.

En parcourant les premières pages du journal d’Auguste Delacroix, je commence à comprendre la véritable nature de mon héritage. Les histoires contées par Laurie sur cet ancêtre courageux prennent une toute autre dimension. Mon cœur bat la chamade, une vague de surprise et de terreur m’envahit.

Auguste n’était pas seulement un aventurier intrépide, comme je l’avais toujours cru, mais un véritable justicier. Lors d’une expédition en Égypte antique, il a décimé une communauté vouant un culte à des démons nommés les Skotós. Ces créatures pratiquaient des sacrifices immondes, dans le but de ramener à la vie leur maître suprême, Nyxias, un démon d’une puissance incommensurable, pour régner sur le monde.

Je déglutis difficilement en lisant les détails. Auguste, fort et vaillant, a exterminé les partisans de ce culte sombre. Lors de cette bataille épique, il a dérobé un artefact appelé Akaris. Cet artefact, un bijou étrange et ancien, semblait posséder des pouvoirs mystérieux que seul Auguste pouvait manier. Cependant, en s’emparant d’Akaris, Auguste a déclenché une malédiction qui allait hanter sa lignée pendant des générations. Ma lignée.

Les membres de la communauté décimée par Auguste, animés par une soif de vengeance inextinguible, se réincarnent chaque année sous la forme de démons. Par un mystère absolu, ils parviennent à revenir sur terre pour quelques jours, poursuivant les massacres perpétrés depuis la nuit des temps, cherchant à achever leur œuvre funeste.

Dans ses écrits, Auguste exprime sa conviction que tuer Nyxias, le démon vénéré, est la clé pour lever cette malédiction. Seul un Delacroix, porteur d’Akaris, peut vaincre ces revenants et empêcher leur retour. Mon cerveau, beaucoup trop rationnel, rencontre des difficultés à comprendre l’information. Pourtant, je sais que ce qui est écrit n’est pas une fiction.

Chaque mot d’Auguste résonne dans mon esprit, révélant un peu plus de la terrible destinée qui attend ma famille. Mon cœur se serre en pensant à ma grand-mère, ma mère et ma sœur. Elles ont dû porter ce fardeau seules, affrontant des horreurs que je n’avais jamais imaginées. Les larmes me montent aux yeux alors que je réalise l’ampleur de la tâche qui m’incombe désormais.

Les noms défilent, le journal semble se transmettre de génération en génération. Mon cœur palpite à mesure que je découvre les récits de mes ancêtres. Chaque entrée est un morceau de leur histoire, de notre histoire, écrite avec une précision et une passion qui transcendent le temps. Les symboles d’Akaris apparaissent régulièrement dans les marges, ornant les pages comme des gardiens silencieux de ces récits anciens.

Ce journal est bien plus qu’un simple recueil d’histoires. C’est un guide, un testament de la lignée Delacroix. Il y a plein de choses qui me sont encore incompréhensibles. Puis je vois le nom de ma grand-mère apparaître, ensuite celui de ma mère. Je caresse sa signature du bout des doigts. Je trouve la page qu’elle a écrite la veille de sa mort. Elle parle de cette malédiction qu’elle souhaite lever pour ses filles, pour qu’elles n’aient pas à faire la même chose. Elle dit qu’elle peut tout stopper. Qu’elle a trouvé le point névralgique, la source de notre malédiction, qu’elle a trouvé Nyxias et qu’elle est prête à l’affronter. La page suivante est un mot d’amour qu’elle a écrit pour nous, si elle devait ne pas revenir. Les larmes coulent sur mes joues. Je caresse les pages, n’arrivant plus à refouler mes émotions. Ma mère n’est pas morte dans un accident, elle est morte en voulant nous épargner une vie de chasseuse.

« Mes amours, mes beautés, mes guerrières,

Si vous lisez ceci, c’est que vous êtes en possession du journal et que je ne suis peut-être plus parmi vous. Auguste a déclenché une malédiction qui perdure de génération en génération et malheureusement, je n’ai pu y mettre un terme. Nous avons tous essayé mais je crois en vous, vous pourrez le faire, pour vous, pour vos enfants. Je vous aime tellement… »

Je pleure, mais je tourne la page et je découvre avec surprise les écrits de Laurie. Je découvre que ma sœur a pris la décision de porter le fardeau seule, de m’épargner autant que possible. Je suis à bout de souffle. Les larmes m’empêchent de lire correctement mais Laurie était sur les traces de ce même démon et pensait pouvoir s’en débarrasser en s’emparant d’un grimoire : le grimoire de l’ombre. La dernière page m’est adressée.

« Léna, ma sœur,

Si tu lis ceci, c’est que j’ai échoué. Il est temps pour toi de t’emparer d’Akaris. Seule une Delacroix peut la porter. Elle te protégera, coûte que coûte, elle te permettra de découvrir ce qui n’est pas visible et de comprendre ce qui est incompréhensible. Elle est également une arme redoutable dont les êtres les plus sombres chercheront à s’emparer. Ceci est ton sanctuaire et ce journal ton encyclopédie. Tu y es en sécurité, aucun être malveillant ne peut y pénétrer. Seule une âme pure peut y pénétrer.

Je suis partie pour le Mont Chortiatis, en Grèce, là où les anciens croyaient que le grimoire de l’ombre se trouvait. Ce grimoire est la clé pour battre Nyxias. L’endroit précis est marqué par un arbre millénaire, un chêne immense aux branches noueuses, connu sous le nom de “L’Arbre du Sage”. Cet arbre se trouve à la lisière d’une clairière, au pied de la montagne. Les anciens disaient que le grimoire de l’ombre était caché dans une caverne, protégée par des symboles anciens gravés dans la roche, similaires à ceux d’Akaris. Le chemin pour y accéder est parsemé de pièges et d’énigmes que seuls les véritables héritiers Delacroix peuvent déchiffrer et traverser. Sois prudente, Léna, et utilise Akaris pour voir au-delà des illusions et des obstacles. Je crois en toi.

Dernier détail, fais très attention à A.J. Éloigne-toi de lui si c’est possible. Il n’est pas ce qu’il prétend, il n’est pas de notre côté. »

À suivre…

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